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[ Lettre ouverte à Pontoise Mag ]

L’ouverture d’une maison médicale aux Cordeliers fait la couverture du numéro de mars 2021 de Pontoise Mag. C’est aussi le sujet du dossier central. Celui-ci comporte un tel nombre d’approximations, d’erreurs et même de contre-vérités que nous ne pouvions rester sans réagir.

Cela commence dans le chapô :

« bien que la santé ne relève pas de son domaine de compétence »

La mairie tente-t-elle de nous faire comprendre à quelle point elle est trop bonne ? Ou bien que ce projet est contraire au code général des collectivités territoriales (CGCT) ? À la Constitution ?

Evidemment il n’en est rien, et heureusement : l’article L1511-8 du CGCT prévoit explicitement que « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides destinées à favoriser l’installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones définies en application de l’ article L. 1434-7 du code de la santé publique dans lesquelles est constaté un déficit en matière d’offre de soins. A cette fin, des conventions sont passées entre les collectivités et groupements qui attribuent l’aide, les organismes d’assurance maladie et les professionnels de santé intéressés. Les centres de santé visés à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique (ndlr : tel le Centre Municipal de Santé que nous appelons de nos voeux) peuvent également être attributaires de ces aides dans les mêmes conditions (…) »

Et cela continue immédiatement après :

« La municipalité a décidé d’agir et d’ouvrir une maison médicale. »

C’est une blague !? Dans l’édito de Pontoise Mag de juillet – août 2019, Philippe Houillon annonçait déjà que le conseil municipal avait voté la planification des travaux et le lancement des demandes de subventions pour une maison médicale, rue Claude Debussy. La couverture de ce magazine titrait déjà : « Janvier 2020 : L’ouverture d’une Maison Médicale ».

Pontoise Mag juillet-août 2019

Cette fiction d’un projet qui aurait été initié par la nouvelle équipe municipale se retrouve également à l’intérieur de l’article (page 10) :

« Bien que l’offre médicale relève de la compétence de l’État (ndlr : inexacte, cf supra), l’équipe municipale a souhaité trouver des solutions à cette pénurie de médecins. La décision de créer une maison médicale a donc été prise. Plusieurs sites ont été étudiés et le choix s’est porté après concertation avec les riverains sur les modulaires rue Claude Debussy. »

S’il y a une seule nouveauté à mettre au compte de la nouvelle équipe, c’est d’oser utiliser le terme « modulaires » au lieu de celui de « préfabriqués ».

Dès le début de l’article, il est précisé (page 10) :

« S’il n’est pas question de désert médical, Pontoise subit comme toutes les autres villes de l’Hexagone un manque de médecins généralistes. »

Selon l’Agence Régionale de Santé Île de France, la ville de Pontoise est classée en Zone d’Intervention Prioritaire, contrairement par exemple aux villes de Cergy, Osny, Vauréal et Jouy-le-Moutier qui, elles, sont classées en Zone d’Action Complémentaire.

En 2018 la densité moyenne nationale était de 153 médecins généralistes pour 100 000 habitants. Seulement 16 généralistes sont actuellement en activité à Pontoise. Cela correspond à 48 médecins pour 100 000 habitants.

Si Pontoise n’est pas un désert médical, cela y ressemble fortement et les oasis s’y font rares.

La conclusion de l’article porte sur les mesures envisagées pour l’avenir :

« La Ville essaie par ailleurs d’encourager au maximum la création de structures permettant d’accueillir des médecins sur des surfaces disponibles en ville et sur celles à construire par les promoteurs (quartier Bossut ..) »

On sent une toute petite détermination à aller de l’avant avec ce « essaie d’encourager ». Et l’on craint d’avoir à dire dans quelques temps « Essaie encore ! »

À côté de cet article on trouve des encarts qui ne nous rassurent pas davantage :

Le premier est intitulé « L’Intervention de la Ville ». Il énumère les aides municipales, c’est-à-dire effectuées avec nos impôts, offertes aux deux médecins libéraux dont la venue est annoncée : un loyer attractif, une subvention de 28 800 € pour un secrétariat et la prise en charge d’une partie des travaux, mais curieusement la somme complète n’est pas précisée.

Le second, Les Consultations  présente les deux instances qui composeront la maison médicale : un cabinet médical classique composé de deux généralistes « indépendants » (ndlr : il faut lire « libéraux ») et un cabinet médical de garde qui comprendrait des médecins urgentistes de l’Hôpital de Pontoise. Ce dernier point est faux. Comme Stéphanie Von Euw elle-même l’a confirmé à PAGV en décembre dernier, aucun urgentiste ne viendra y travailler. Il s’agit de médecins qui font déjà des astreintes de régulation au SAMU et qui feraient des soirées vraisemblablement lucratives aux Cordeliers. Alors pourquoi répéter indéfiniment cette fable ? Et si le montant de 25 € de la consultation de jour est donné, ce n’est pas le cas de celui de la consultation de nuit. On devine aisément pourquoi.

Le troisième, Les Travaux  semble écrit par un agent immobilier qui voudrait faire passer une studette pour un F4. Chacun pourra juger sur place du « traitement des façades avec un parement qualitatif » et « des aménagements paysagers aux abords » qui nous sont vendus.

Le quatrième Le Financement, comme son nom l’indique, parle de gros sous et des subventions obtenues. Mettons sur le fait d’une négligence de relecture l’aide de la Région Île-de-France qui est répétée deux fois. Plus révélatrice est l’absence du chiffre précis du coût de cette maison médicale pour la Ville. Comme tout est donné en pourcentage, il faut prendre sa calculette pour comprendre que la part de la Ville dans les seuls travaux est de 34 000 € HT.

Mais quelle que soit la présentation qui en est faite, la maison médicale des Cordeliers restera ce qu’elle est réellement : une construction de fortune qui d’ailleurs avait été conçue par l’équipe municipale précédente comme devant être provisoire (lire ici).

Les Pontoisiens ne tarderont pas à faire les constats suivants :

  • Pendant que deux généralistes arrivent aux Cordeliers, le docteur Vennegues part à Saint-Ouen l’Aumône. Donc : 2 – 1 = 1
  • Beaucoup d’argent public est généreusement offert à deux médecins libéraux pour s’installer dans des préfabriqués.
  • Ce petit cabinet ayant coûté très cher à la commune ne règlera en rien la manque criant de généralistes en ville. Aucun médecin aux Louvrais. Aucun médecin à Marcouville

Le combat pour un Centre Municipal de Santé (CMS), solution proposée par PAGV et refusée par M. Houillon puis par Mme Von Euw, reste plus que jamais à l’ordre du jour. Rappelons que dans un CMS, les professionnels sont salariés, travaillent en équipe, font de la prévention et pratiquent le tiers payant. Certes, ils sont payés par la commune, mais le montant des consultations revient à la Ville. Cette solution moderne, digne héritière de nos anciens dispensaires, est choisie par des villes et même des départements de plus en plus nombreux.

L’avenir montrera qu’un vote à l’unanimité au conseil Municipal, où il n’existe plus d’opposition, n’équivaut pas à un accord des Pontoisiens.

4 Comments

  1. Je suis d’accord et j’avais signé la pétition pour le centre municipal de santé.
    Dommage,la ville a encore raté l’occasion d’être innovante.
    Merci pour cette explication de texte.

  2. Dans le même support municipal Pontoise Mag, deux médecins se revendiquent indépendants exerçant en médecine libérale pendant que la Ville de Pontoise leur offre des subventions … Je m’y perds un peu ….

    • Vous avez raison, il y a de quoi s’y perdre. Mais ce ne sont pas les deux médecins qui se revendiquent « indépendants », c’est juste la communication de la municipalité qui ne veut pas utiliser le terme « libéraux ». En faisant cela, ils ne s’aperçoivent même pas de la contradiction que vous relevez :
      On n’est pas indépendant quand on est largement subventionné par des fonds publics. On bénéficie juste d’une aubaine pour réaliser des bénéfices privés.

  3. Merci pour ce commentaire.
    J’avais également signé votre pétition.
    Les louvrais ont besoin d’un centre médical également ainsi qu’un petit commerce.
    Beaucoup de personnes âgées ont un manque avéré de ces besoins primordiaux.
    Bien à vous.

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