[ Analyse ]
Analyse du Bilan mi-mandat 2014 – 2020 publié par la mairie et disponible en ligne à ce lien.
Ce qui caractérise ce bilan de mi-mandat c’est d’abord le coût qu’a dû représenter l’impression sur papier glacé de ce magazine. C’est ensuite cet exercice d’autosatisfaction à la limite du ridicule étalé sur 29 pages. Mais enfin, et surtout, c’est la manifestation criante d’une absence totale de vision pour la ville. Comme si le capitaine du bateau n’avait ni compas, ni boussole pour définir un cap, comme si une gestion au jour le jour pouvait faire office de politique pour Pontoise. Dommage pour les Pontoisiens qui seraient en droit d’attendre qu’une ville comme la nôtre, avec son environnement, la diversité de sa population, son potentiel, ses ressources, s’inscrive dans son temps ! Les enjeux sont pourtant nombreux.
L’entretien avec M. Houillon qui ouvre ce magazine donne le ton. Une succession d’évidences creuses, valables en tout temps, en tout lieu, dans la bouche de n’importe quel élu :
« Le défi aujourd’hui, c’est de préserver l’identité de notre commune – son atmosphère, sa convivialité – tout en poursuivant son développement. »
« Être au service des Pontoisiens et toujours plus présents à leurs côtés ; leur proposer un cadre de vie toujours plus agréable ; faire de Pontoise une ville où il fait bon vivre. »
« À l’heure des grandes agglomérations, des grandes régions, toujours plus éloignées des citoyens, le maire devient le seul interlocuteur de proximité accessible pour les habitants. »
Et parfois un français incertain : « être à l’écoute des habitants, les concerter (sic) à chaque fois que nous portons un projet. »
La suite est plus ou moins organisée en chapitres distincts :
- Sécurité : une ville à votre service.
- Une ville attractive et rayonnante.
- Une ville qui aide à bien grandir.
- Une ville attentive et solidaire.
- Une ville qui soigne son cadre de vie et prépare l’avenir.
De bien beaux titres qui masquent un contenu indigent.
À tout seigneur tout honneur, la sécurité, « axe fort de la politique municipale afin que chacun se sente bien à Pontoise ». Quatre pages entières en début de magazine, alors qu’en 2011 le bilan de mi-mandat ne consacrait que 2 pages à la sécurité et qu’elle étaient reléguées en pages 20/21.
Il est confirmé que les horaires des patrouilles de la police municipale sont élargies, du lundi au vendredi de 8h à 23h et le samedi de 9h à 18h et qu’il est envisagé la mise en place d’une brigade de nuit. Mais au-delà d’un « coût très conséquent pour la Ville », n’aurait-il pas été nécessaire de réfléchir à ce que signifie concrètement cette extension. Demander à des policiers municipaux des interventions de nuit, n’est-ce pas leur confier une des tâches les plus difficiles de la police nationale, alors que le même Philippe Houillon se plaint du report des charges de l’Etat sur les collectivités ? N’est-ce pas les installer dans un rôle de plus en plus répressif ? N’est-ce pas induire quasiment automatiquement leur prochain armement ?
Il est annoncé que les 41 caméras de video-surveillance déjà existantes passeront prochainement à 50, sans compter celles que la Ville demande aux bailleurs d’installer. Mais depuis septembre 2015, date à laquelle les premières caméras sont apparues, nous n’avons lu aucun bilan de ce dispositif extrêmement coûteux et de moins en moins subventionné. Ne serait-il pas pour le moins pertinent de procéder à une évaluation chiffrée avant toute extension ? On pourrait même y adjoindre l’étude des bénéfices réalisés par les entreprises d’installation et de maintenance. La vidéosurveillance, qui ne figurait qu’à titre d’hypothèse dans le bilan précédent, sera la marque de fabrique de ce mandat.
Enfin, moins important mais très révélateur, on trouve dans ce chapitre « sécurité » une référence à l’accueil dans les services municipaux d’élèves exclus temporairement. Jusqu’à nouvel ordre ce genre de dispositif ne devrait-il pas figurer dans la rubrique « Éducation » ?
Deuxième chapitre, le patrimoine et la culture, mais peut-être serait-il plus justifié de parler d’événementiel au vu de la plupart des manifestations citées en exemple (tournages de films, fête de la nature, foire Saint-Martin, olympiades des villes jumelées..). Pour tout dire, tout cela est très loin de la conception que nous nous faisons de l’activité culturelle d’une ville ayant obtenu le label « Ville d’art et d’histoire ».
Le troisième chapitre est lui aussi également très décevant. Au lieu d’embrasser une politique de la jeunesse dans son ensemble, il se limite étroitement aux crèches et aux écoles. Comme si la responsabilité de la Ville vis à vis de sa jeunesse s’arrêtait à 16h 30 en semaine et n’existait pas le week end. Par ailleurs, la grève à la crèche Babilou des Larris le mardi 3 avril 2018 pour réclamer plus de personnel nous laisse sceptiques sur la qualité de l’accueil de cet établissement. Et pourtant, le 21 décembre 2017, la majorité du conseil municipal avait voté un avenant au contrat, permettant à l’entreprise Babilou de réaliser plus de bénéfices. M. Seimbille justifiant cette mesure par le fait que le contrat signé en 2012 était « exagérément protecteur des intérêts de la ville ». En tout cas, la société Babilou ne semble être exagérément protectrice, ni des intérêts des enfants qui lui sont confiés, ni des intérêts du personnel qu’elle emploie, pour ne pas dire qu’elle exploite. Dommage pour la notion de commande publique socialement responsable.
Le quatrième chapitre ne déroge pas à la règle. La « Ville attentive et solidaire » ne se distingue pas par des mesures puissantes et originales : participation au Forum de l’Emploi et la Création d’Entreprise organisé par la CACP, partenariat avec les bailleurs sociaux, moments de convivialité pour les seniors… Mais au milieu de cet inventaire de banalités, un paragraphe intitulé L’offre de soins à Pontoise attire l’attention. On y apprend que la municipalité veille afin « d’éviter le risque de carence médicale » et qu’elle « travaille dès à présent sur un projet de création de maison médicale ». C’est oublier que c’est une pétition de 900 personnes, initiée par une pharmacie des Louvrais et relayée par PAGV, qui a réveillé la mairie qui n’avait rien vu venir en terme de risque de désertification médicale.
Cinquième et dernier chapitre enfin, le cadre de vie et la préparation de l’avenir. Là encore l’absence totale de perspective de l’équipe en place crève les yeux. Si on laisse de côté les mesures qui ne relèvent pas de la responsabilité de la ville (fibre optique, arrivée de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale, rénovation de la gare SNCF, nouvelle unité de radiologie interventionnelle à l’hôpital, il ne reste pas grand chose. Compte-tenu que les déplacements, à pieds ou en voiture, représentent un des problèmes majeurs posés à la ville, on doit constater que la mairie ne sait pas raisonner en dehors de la voiture et que l’écologie ne fait en rien partie de ses préoccupations :
- On construit un parking sous le Jardin de la Ville, comme si cela n’allait pas accentuer les embouteillages et la pollution.
- Avec les nouveaux logements et le futur emplacement du tennis, on livre aux voitures le chemin de la Pelouse, pourtant un des lieux de promenade favori des Pontoisiens le long de l’Oise.
- On s’intéresse peu, ou mal, aux difficultés de plus en plus grandes rencontrées par les piétons sur les trottoirs de la ville et sans parler des parents en poussette.
La notion de développement durable, qui bénéficiait d’une page entière dans le bilan de 2011, a disparu corps et bien.
Dernière remarque, Philippe Houillon et Jean-Michel Levesque, le maire d’Osny, sont présentés dans ce chapitre comme les initiateurs du mouvement contre le projet de fret ferroviaire sur la ligne Serqueux-Gisors. C’est là encore oublier que ce rôle, loin d’être joué par ces deux élus, l’a été par des habitants organisés dans le Collectif Alertes et Ripostes Fret (CARF).
Ce bilan de mi-mandat c’est aussi :
Des chiffres isolés et donc sans signification :
P.15 54 Agents Territoriaux Spécialisés des Ecoles Maternelles (ATSEM), employés par la Ville.
Et donc ? Pour combien de classes ? Pour combien d’enfants ? Est-ce plus ou moins que les années précédentes ?
P.17 1280 élèves déjeunent chaque jour au sein des 9 restaurants scolaires.
Et donc ? Qu’est-ce que cela représente en pourcentage ? Combien y en a-t-il qui aimeraient y déjeuner, mais dont les familles ne peuvent pas payer ? Quelle politique pour la qualité des repas et la lutte contre la mal-bouffe ?
P.18 67 jeunes ont bénéficié du dispositif « Bourses BAFA » depuis 2014.
Et donc ? Est-ce en augmentation ? Quel est le pourcentage de réussite de ces jeunes ?
P.19 88 personnes en situation de grande précarité ont été accompagnées par la brigade de médiation sociale.
Et donc ? Combien la ville compte-t-elle de personnes en situation de grande précarité ? Ce chiffre est-il en diminution ? Quels ont été les résultats de cet accompagnement ?
P.26 400 commerces à Pontoise.
Et donc ? Combien de fermés ? Combien d’ouverts ?
P.28 4 marchés de qualité comptant environ 70 commerçants – artisans.
Et donc ? 70 commerçants – artisans aujourd’hui, combien il y a 20 ans ? N’est-ce pas largement exagéré de compter 4 marchés de qualité, alors que celui du jeudi matin Place Notre-Dame n’existe plus et que personne ne sait ce que va donner celui du vendredi après-midi ? Les commerçants sont-ils satisfaits des prix demandés et des services fournis par la société délégataire ? Pendant ce temps on apprend que la mairie de Beaumont, inquiète de la baisse de fréquentation du marché, vient d’en reprendre la gestion en régie et propose aux commerçants 3 mois gratuits. Peut-être un exemple à suivre.
De vagues annonces dont la réalisation est renvoyée à un futur incertain :
P.23 « La Ville entend développer un service d’écrivain public numérique. »
P.23 La Ville s’engage à rendre accessible ses Établissements Recevant du Public (ERP).
P.23 Lutter contre les marchands de sommeil et l’habitat indigne.
P.26 La reconversion du Parc d’Exposition est à l’étude … sa démolition pourrait intervenir en 2019 pour un aménagement sur plusieurs années ensuite.
Des mesures dont la réalisation ne dépend pas de la Ville :
P.11 Augmentation du nombre de tournages de films.
P.16 Construction d’un nouveau collège.
P.24 Déploiement de la fibre optique.
P.25 Installation de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale.
P.25 Rénovation de la gare SNCF.
P.25 Ouverture d’une nouvelle unité de radiologie interventionnelle au Centre Hospitalier René Dubos.
Des mesures de toute façon obligatoires … :
P.7 La Ville a renouvelé la convention de coordination entre la Police Nationale et la Police Municipale.
P.9 Vigipirate : La commune applique de façon stricte les recommandations et obligations de la Préfecture du Val d’Oise.
… ou attendues depuis longtemps
P.8 Mise en place d’une brigade verte.
P.9 Création d’un Groupe Local de Traitement de la Délinquance.
Des mesures que l’on trouve partout (ou presque) :
P.9 Mise en œuvre de la verbalisation électronique.
P.12 Des liens étroits et entretenus avec les villes jumelles.
P.12 Fête de la Musique, Fête Nationale..
P.20 Signature de la Charte du Bien Vieillir en Val d’Oise.
Bref, un tout petit bilan dont le luxe de l’enveloppe masque la pauvreté de la vision.