[ Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos ! ]
Depuis la mi-décembre, Pontoise est le théâtre d’une offensive de collage sans précédent de la part du Rassemblement National. Cela fait suite aux déclarations du nouveau responsable désigné par ce parti pour le Val d’Oise, candidat malheureux aux législatives de juin dans l’Est du département. Il annonçait par voie de presse son intention de s’implanter dans les zones jugées par lui favorables sociologiquement à l’extrême-droite, à savoir notamment le Vexin et dans cette logique, Pontoise, sa capitale.
On a donc vu les panneaux d’affichage libre de la ville se couvrir d’une curieuse campagne d’affiches Joyeux Noël, qu’on aurait pu prendre au premier abord pour une initiative d’un centre commercial avide de bonnes affaires, si elles n’avaient été accompagnées d’affiches présentant les portraits souriants et conquérants des deux principaux dignitaires nationaux du RN, Marine Le Pen et Jordan Bardella.
Cet affichage, extrêmement massif, couvrait tout l’espace utile des colonnes d’affichage libre et presque tous les autres panneaux plus modestes dispersés dans la ville. Pas absolument tous les panneaux, parce que manifestement, il a fallu du temps au RN pour connaître suffisamment le territoire de Pontoise et cesser d’oublier certains panneaux, preuve évidente d’un parachutage en terre inconnue.
Passé un premier moment de sidération devant une telle offensive, il est vite devenu évident que le RN avait l’intention de ne laisser apparaître personne d’autre sur ces espaces d’expression publique. Aucune pitié pour les affiches évoquant une opposition à la réforme des retraites engagée par le gouvernement Macron, rien d’étonnant à cela ; mais les affiches plus anodines pour un concert de l’Ensemble Harmonia n’ont pas non plus été épargnées, et plus récemment les affiches pour une exposition de peinture à la salle paroissiale des Louvrais ont été le plus souvent implacablement recouvertes.
RN partout, liberté d’expression nulle part
Les hypothèses sur les intentions du RN sont nécessairement nombreuses à ce stade, il n’est cependant pas inutile d’en formuler. Étant donné le coût de ce déferlement d’affiches, il est peu probable que ce ne soit que l’initiative de militants de base. Le responsable départemental du RN a annoncé la couleur : il veut s’implanter dans notre secteur, avec une conception toute militaire de la chose, il procède à une préparation d’artillerie avant son possible débarquement.
Cette campagne massive – à ce jour, entre 3000 et 4000 affiches ont été mises en œuvre – est le fait d’une très petite équipe de deux personnes qui se consacre exclusivement à coller sur toute la ville, et aussi à Osny, deux fois par jour au minimum et parfois bien plus, nuit comprise, s’interrompant parfois pour un boîtage. Ce ne sont pas, comme on pourrait le croire, des retraités qui auraient du temps à consacrer à leur parti, mais des militants plus jeunes que le RN doit probablement rétribuer, défrayer et employer à une tâche à laquelle ils s’adonnent à plein temps d’une façon particulièrement opiniâtre.
Le RN a sans nul doute une base électorale potentielle à Pontoise, mais visiblement aucune structure locale implantée, il compense donc ce handicap par une suractivité qui ne doit pas faire illusion.
Ces pauvres militants exploités sans vergogne par leur parti ont effectivement fort à faire depuis la fin décembre : face à cette escouade lepéniste se comportant en terrain conquis, et ses velléités d’imposer le parti unique, et aussi face à l’évidence qu’aucune expression politique différente n’était plus possible – toute affiche non approuvée étant recouverte dans les deux heures – la riposte était indispensable : la destruction et la lacération systématique des affiches du RN est devenue une nécessité civique et démocratique.
Voilà pourquoi depuis un mois Pontoise est décorée à notre corps défendant d’affiches lacérées par centaines, avec assez fréquemment les encouragements des gens qui nous voient faire. L’arrachage est même, nous le savons, le fait de simples passants, exaspérés par cette injure à la démocratie.
Courant janvier, le RN a un peu réduit la quantité délirante d’affiches apposées chaque jour, d’environ deux cent affiches au début en deux tournées à plus d’une soixantaine quotidienne ces derniers temps, sur le haut des colonnes seulement, et négligeant certains petits panneaux.
Difficile de savoir si c’est par manque d’affiches, mais ils semblent effectivement recycler désormais des fonds de tiroirs. Ou par découragement. Pour nous, l’heure n’est pourtant pas encore au relâchement, encore moins au soulagement.
Peut-être la hiérarchie a-t-elle jugé qu’une telle orgie d’affiches collées en pure perte n’avait plus guère de sens. Le RN ne manque plus d’argent désormais, mais il est envisageable que pareille gabegie doit finir par faire tousser le trésorier. Le responsable départemental récemment désigné, qu’on a vu se mettre en scène diffusant sa propagande place du Grand Martroy – en prévision d’un éventuel parachutage ? – a peut-être compris l’aspect contre-productif d’une ville couverte d’affiches du RN lacérées, ce qui gâche évidemment son prestige. Ou bien il s’est fait taper sur les doigts pour avoir voulu être trop gourmand et se voir trop tôt en haut de l’affiche.
Un peu d’histoire, trop oubliée
Cela fait de nombreuses années que le FN, ancêtre du RN, a disparu du paysage local. Faute de candidats présentables ou crédibles, ou à la suite d’accords inavouables, il n’y a plus eu de candidats lepénistes aux municipales depuis trois mandatures.
Le FN a eu jadis deux élues au conseil municipal, dont une particulièrement folklorique : grotesque, elle proclamait en séance « la préférence nationale est une histoire d’amour ». Elle avait été condamnée par la justice après s’être fait pincer par la police au cours d’un collage avec une arme pas vraiment nette dans sa voiture. Elle avait fait sienne fièrement dans sa propagande la devise des Waffen SS dans sa version française, celle de la Milice. Comme elle avait fait le choix de la scission mégrétiste, elle était partie en cours de mandat se faire oublier dans le Sud de la France. Du beau monde, qu’on a guère envie de côtoyer à nouveau, même sous une nouvelle appellation.
La fadaise d’un FN qui aurait réussi sa mutation en un paisible RN bien lisse et respectueux du pluralisme a manifestement reçu ce mois-ci à Pontoise son meilleur contre-exemple.
Assez peu inquiets à la perpective de se voir reprocher une certaine dose de lepénophobie primaire, les militants de PAGV qui se sont employés depuis un mois à contrecarrer l’offensive du RN assument entièrement le devoir républicain de s’opposer de toutes leurs forces aux projets de l’extrême droite. Même si la mairie ne peut légalement pas faire grand chose pour contrer cette OPA du RN sur la ville de Pontoise, on peut regretter qu’elle ait choisi d’adopter une apparente indifférence à ce que chacun.e dans la ville n’a pas manqué de remarquer, en s’abstenant de réagir publiquement.