[ Tribune collective ]
En cohérence avec nos engagement en matière écologique et climatique, et notamment notre volonté de développer la démarche « éco-école » (voir ici), Pontoise à gauche vraiment est signataire de l’appel ci-dessous pour la débitumisation et la revégétalisation des cours d’école :
( texte publié sur Médiapart le 10 mars 2020 )
À l’appel du collectif Enseignant·e·s Pour La Planète et de SVT Égalité, militant·es pédagogiques et écologistes s’unissent pour défendre une mesure concrète, à portée de main : la débitumisation / revégétalisation des cours d’école et autres établissements scolaires.
Cette mesure, aussi simple qu’elle puisse paraître, est un premier pas fondamental vers une autre éducation à l’environnement. C’est une mesure essentielle, car elle contribue à créer du lien entre les élèves et la « nature ». C’est là, avec des programmes repensés et des pratiques pédagogiques modifiées, l’un des trois piliers de la mise en place d’un monde résilient et respectueux du vivant. Et peut-être le plus délaissé au sein de l’Éducation nationale.
L’ensemble des indicateurs dressent un même constat, et chaque jour nous amène sa litanie d’arguments supplémentaires : nous vivons une crise sans équivalent historique.
Nous avons été bercé·es au rythme des alertes concernant les grands mammifères, mais c’est l’ensemble du vivant qui s’effondre aujourd’hui. C’est plus des 2/3 de la biomasse des insectes qui a disparu. En France, les populations d’oiseaux ont chuté d’entre 30 et 70 % selon les espèces, en seulement 30 ans. L’ONU même acte dans un récent rapport le fait que nous sommes responsables d’une 6e extinction massive.
Et qu’on se le dise : les chiffres que nous venons d’égrainer – et qui ne sont que des exemples parmi tant d’autres – ne relèvent pas d’une crise climatique, laquelle est non moins sidérante. Ils sont la conséquence de notre manière de produire nos aliments, de notre façon d’occuper l’espace… La crise est globale et concerne notre façon même d’habiter la Terre, notre rapport à la nature et au vivant.
Deux éléments sont alors à considérer :
– il devient évident que l’échelle nationale, et a fortiori internationale, est celle de toutes les inerties. Il revient donc à l’échelle locale – et nous ne parlons pas là de l’échelle individuelle, la nuance est d’importance – d’enclencher le changement.
– Un autre constat s’impose à tou·tes : puisque l’Éducation Nationale a pour vocation de construire un projet de société, c’est à partir et grâce à celle-ci que nous devons agir.
Or sur la thématique environnementale tout ou presque reste encore à faire. Les nouveaux programmes de lycée comme les derniers aménagements concernant ceux du collège montrent que l’on suit toujours une logique qui a pourtant largement démontré son inefficacité. L’accent n’est mis que sur la compréhension scientifique des problèmes, et sur une approche moralisante, anxiogène et réduite aux éco-gestes.
Mais ni les incantations ni les injonctions n’y pourront rien changer. Si c’était le cas, nous le saurions déjà.
Surtout, un pan entier, essentiel, de l’éducation à l’environnement est délaissé : celui permettant de développer un lien entre les élèves et la nature pour qu’elles et ils réinventent leur manière d’être et leur rapport au monde.
Nos élèves sont totalement déconnecté·es de la nature. Pour un nombre croissant d’entre elles et eux, la nature est quasi absente du quotidien et se résume à l’alimentation, et à une poignée d’arbres s’extirpant du bitume. Et quand elle est présente, c’est pour y voir des « mauvaises herbes », des animaux « nuisibles ». Partout le rapport à la nature est celui de l’exploitation. Partout, la nature n’est vue que comme une ressource à épuiser.
Il est donc urgent de participer au tissage de liens réciproques, car on ne veut protéger que ce que l’on aime. Et l’on n’aime que ce à quoi l’on est relié·e, connecté·e. Cela doit passer par la connaissance, bien sûr, mais aussi, et ce dès le plus jeune âge, par un rapport multi-sensoriel à la nature.
À l’heure des élections municipales, les pouvoirs locaux ont plus que jamais leur rôle à jouer.
Ils ont tous les moyens de peser pour que la nature fasse partie de l’environnement des élèves, en commençant par débitumer et revégétaliser le quotidien, et notamment les cours d’école : faire entrer les arbres, les arbustes, les fleurs ; creuser des mares ; laisser se développer des zones de friches ; organiser des potagers… Autant de terrains d’observations, qu’ils soient exploités ou non avec les enseignant·es.
Cette mesure, bien sûr, est à intégrer dans le cadre d’une réflexion plus globale concernant l’urbanisation : chaque année en France, ce sont 78 000 hectares de surfaces agricoles en France qui disparaissent, notamment sous le bitume, soit la surface moyenne d’un département entier tous les 10 ans. L’incroyable gaspillage de cette ressource naturelle a de graves conséquences à la fois sur le plan économique, social et environnemental : diminution de la biodiversité, affaiblissement de la filière agricole, imperméabilisation des sols aggravant les phénomènes d’inondations, perte de capacité de nos sols à stocker du carbone, détérioration de notre cadre de vie…
Seules de telles mesures en faveur de la réintroduction de la nature dans la cour d’école sont par ailleurs à même de relever le défi posé à l’architecture scolaire par le changement de notre climat. Débitumisation et revégétalisation permettraient en effet de créer des lieux accueillants, résilients, lors des épisodes météorologiques extrêmes amenés à se répéter.
Cela rendra également possible, en diversifiant les activités et en créant des espaces multiples et variés, le tissage de liens sociaux libérés des hiérarchies de genre, comme pouvait les reproduire le classique terrain de football.
Les cours de ce type ne sont bien évidemment pas l’unique réponse à la crise. Il faudra nécessairement mettre en place une pédagogie coopérative et émancipatrice en puisant dans les pédagogies nouvelles et dans les pédagogies critiques, en décloisonnant les disciplines, etc. Reste qu’il s’agit là d’une mesure simple, à la portée des volontés politiques. Elle est un premier pas, une première pierre à l’édifice d’une éducation à l’environnement qui se donne les moyens de ses objectifs.
L’heure est à l’action. Et ce ne sont finalement pas de solutions nouvelles dont nous avons besoin, lesquelles sont déjà à portée de qui veut bien les entendre, mais d’ambition et de courage politique.
En signant cet appel, nous, militant·es pédagogiques et/ou écologistes, appelons les parents d’élève, les citoyen·nes, les personnels de l’éducation, à interpellerl’Éducation Nationale, les candidat·es aux municipales et les élu·es sur cette question et à demander la débitumisationet la revégétalisation des cours d’école et autres établissements scolaires.