Les indemnités des élu.e.s de l’agglomération

Montants, enjeux, pistes de réflexion

S’agissant d’argent public, il nous a paru normal de connaître le montant des indemnités versées à nos élus. Nous nous sommes donc intéressés aux 69 conseillers communautaires en additionnant les indemnités reçues en tant qu’élu communautaire à celles reçues au titre d’élu municipal. Ces informations sont censées être publiques et facilement accessibles à tout citoyen qui souhaite en prendre connaissance. C’est pourtant loin d’être le cas dans toutes les communes et il nous a fallu souvent insister pour obtenir les montants réels. Si jamais de légères erreurs s’étaient glissées dans notre tableau, les villes cachottières en seraient seules responsables. Mais il va de soi que nous nous engageons à procéder aux corrections nécessaires.

Les indemnités mensuelles figurant dans ce tableau sont données en brut.

Quelques remarques factuelles :

Notre propos n’est pas de faire du « poujadisme » et de considérer anormal que le travail effectué par un élu qui donne de son temps au bénéfice de la communauté fasse l’objet d’une compensation financière plus ou moins importante au regard des responsabilités assumées et du temps consacré. Cependant, au vu de l’importance de certaines sommes, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’écart très important qui existe entre les rémunérations de quelques élus et celles de la majorité des Français. Rappelons simplement 2 chiffres :

  • Le SMIC mensuel brut pour 35 heures est depuis le 1/01/2020 de 1 539,42 € (1 219 € net) ;
  • Le salaire médian net est de 1845 €. C’est-à-dire que 50 % des Français gagnent moins, 50 % gagnent plus.

Il ne faut pas oublier non plus que certains dans ce tableau occupent d’autres fonctions électives qui donnent lieu à d’autres indemnités :

  • C’est le cas par exemple de Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise, vice-présidente de l’agglo ET vice-présidente à la région Ile de France. Ce troisième mandat fait qu’à l’instar de Jean-Paul Jeandon, elle atteint le plafond fixé par le législateur de 8 434,85 € ;
  • C’est également le cas de Thibault Humbert et Elvira Jaouen, respectivement maires d’Eragny et de Courdimanche, vice-présidents de l’agglo ET conseillers régionaux ;
  • C’est encore le cas de Sylvie Couchot, maire de Vauréal, vice-présidente de l’agglo ET conseillère départementale.

Les maires ne sont pas les seuls à recevoir des indemnités très importantes (4 000 € en moyenne). Trois adjoints au maire de Cergy touchent plus de 3 000 €.
On peut ajouter qu’aux indemnités viennent souvent s’ajouter un salaire, une pension de retraite, voire d’autres revenus. C’est le cas de Jean-Paul Jeandon qui précise dans la Gazette du 30/09/2020 qu’il est en train de négocier sa retraite de cadre supérieur chez Orange. On en déduit donc qu’il touche actuellement un salaire confortable qu’il faut ajouter à son indemnité plafond de 8 434,85 €. On comprend d’autant mois que, dans le même article, il prétend qu’il pourrait prétendre à des indemnités plus importantes étant donné que les siennes sont déjà plafonnées.
On parle de plus en plus d’une coupure entre les élus et les Français. C’est un fait que les écarts de revenus que nous constatons ici ne contribuent pas à rapprocher les uns des autres.

Quelques pistes de réflexion que nous livrons au débat :

– Le législateur a estimé que les indemnités d’un élu ne devaient pas dépasser un plafond de 8 434,85 €. Cela nous semble très largement suffisant pour vivre très confortablement. Réfléchir à un plafond d’indemnités amène donc immédiatement à se poser la question d’un plafond de revenus.
À titre d’exemple, lors de ses campagnes présidentielles de 2012 et 2017, le candidat Jean-Luc Mélenchon proposait d’imposer, dans les entreprises publiques et privées, un écart entre le plus bas et le plus haut salaire ne dépassant pas 1 à 20. C’est-à-dire aujourd’hui, 1 539,42 € pour ceux qui seraient au smic et 34 788,40 € pour les mieux payés. Cet écart nous semble beaucoup trop important. Envisager un écart entre 1 à 5 et 1 à 10 nous paraîtrait beaucoup plus raisonnable.

– L’agglo accorde à chaque maire la fonction de vice-président. Assurer correctement les deux fonctions n’est de toute évidence pas à la portée de tous. Il a d’ailleurs été créé pour ce mandat une nouvelle fonction de conseiller missionné auprès d’un vice-président. On peut supposer que ce sont ces conseillers qui vont assurer la majeure partie du travail. La désignation des vice-présidents n’aurait-elle donc pas uniquement pour but de donner aux maires une indemnité supplémentaire et, par là-même, d’obtenir leur bienveillance dans la gestion de l’agglo* ?
En tout état de cause, ce cumul maire d’une commune / vice président de l’agglo ne devrait pas être systématique.

– Deux villes (Cergy et Saint-Ouen l’Aumône) ont choisi de rémunérer les conseillers d’opposition. Cela correspond d’ailleurs à la demande du groupe pontoisien PES. Comme nous l’avons déjà écrit**, nous sommes en désaccord avec cette demande. Pour nous, recevoir une indemnité, c’est assurer une délégation, donc soutenir une politique. Il ne faut donc pas mélanger les genres.

– Le pouvoir personnel, cette maladie consubstantielle à la V° République, se retrouve à tous les niveaux de nos institutions et Cergy-Pontoise ne fait pas exception. Le maire de la plus grande ville, Cergy, semble naturellement désigné pour être le président de l’agglomération. Les maires des autres communes semblent naturellement désignés pour être les vice-présidents de l’agglomération. Avec les indemnités afférentes, que le travail soit effectué ou non. Tout autre est notre conception d’une gestion démocratique. Loin de reposer sur l’autorité d’une seule personne, nous revendiquons l’intelligence d’une équipe.

À l’exercice du pouvoir personnel, nous opposons la responsabilité collective.

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* Ce constat d’une agglomération cogérée par la « gauche » et la droite ne relève pas d’une lubie des opposants malveillants que nous serions. Voici ce qu’on peut lire dans le programme de 2020 Thibault Humbert, le maire de droite d’Eragny :
« dans le cadre d’une cogestion souhaitée par les élus de l’agglomération, je deviens Vice-président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise chargé de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur. »
(sur le site eragny2020.fr)

** Relire notre article : « Jeudi 16 juillet : 2nd conseil municipal depuis l’élection de Stéphanie Von Euw«