Vous n’en avez probablement guère entendu parler, comme la grande majorité des Français.
Et pourtant, la ville de Pontoise a quelques raisons d’être concernée par le sujet, à cause d’un « illustre Pontoisien » comme le désignait encore il y a peu le site de la mairie. Sa statue en marbre de moins en moins blanc tient la pose depuis 1869 au pied de l’église Saint Maclou, le général Charles Victoire Emmanuel Leclerc.
Pour une grande partie des habitants de Pontoise, c’est un illustre inconnu, une statue devant laquelle on passe sans se poser de questions. Et si jamais on s’en pose, on risque d’être fort mal renseigné par les informations mises à la disposition du public par la municipalité.
Ce beau-frère de Napoléon Bonaparte, à qui il a rendu de fiers services au cours du coup d’état du 18 brumaire (novembre 1799), est arrivé à Saint-Domingue au début de 1802, à la tête d’un corps expéditionnaire de 23 000 hommes, avec pour mission de rétablir l’esclavage aboli par la Convention en 1794.
Leclerc capture par traîtrise Toussaint Louverture, qui est à la tête des habitants de l’île, insurgés contre ce retour à la condition servile. Leclerc le fait déporter en France, où il mourra dix mois plus tard au fort de Joux, près de Pontarlier (Jura).
Les Français sont décimés par les combats et par la fièvre jaune. Leclerc lui même en meurt le 2 novembre 1802, dix mois après son débarquement dans l’île.
Son second, le général de Rochambeau, prend la relève et reçoit un renfort de dix mille soldats pour poursuivre sa mission de répression de l’insurrection haïtienne, avec une intéressante innovation : l’usage d’au moins trois cent féroces chiens de guerre, qui ne lui permettront pas d’emporter l’avantage.
Le 18 novembre 1803, la bataille du fort de Vertières s’engage, et les Français qui y perdent 1200 hommes sont contraints de capituler. Ils ont dix jours pour évacuer l’île avec armes et bagages, ils ne sont plus que deux mille sur les 33 000 soldats engagés dans cette lamentable aventure.
Le premier janvier 1804, la République d’Haïti est proclamée, premier état issu d’une décolonisation.
Ni Charles Victoire Emmanuel Leclerc ni Toussaint Louverture n’ont participé à cette bataille, ils étaient tous les deux déjà morts…
La bataille de Vertières, si peu connue en France, est une référence pour tous les mouvements de libération au cours du XIXe siècle, notamment sur le continent sud-américain, et une hantise pour les esclavagistes nord-américains qui y voient un exemple détestable. C’est un symbole équivalent, pour le XIXe siècle, à la défaite des troupes coloniales françaises en 1954 à Diên Biên Phu, qui a précédé de peu l’indépendance du Viet-nam.
En ce jour anniversaire de la victoire des Haïtiens contre leurs oppresseurs colonialistes, nous regrettons que Mme Von Euw, maire de Pontoise, n’ait toujours pas jugé utile de répondre à notre courrier du 27 septembre dernier dans lequel nous lui demandions de rétablir la vérité historique concernant le sinistre Leclerc et d’ouvrir le débat sur la place accordée à certains symboles dans notre ville.
Quelques liens utiles :
– « Doit-on déboulonner la statue du Général Leclerc » – La Gazette du Val d’Oise, 13 mars 2020 ;
– 18 novembre 1803 – Haïti chasse les Français – Herodote.net
– Bataille de Vertières – Wikipédia
– La bataille de Vertières (18 novembre 1803), vous connaissez ? – Histoire coloniale et postcoloniale
– La bataille de Vertières – PLANÈTE DÉDÉ
– Charles Victoire Emmanuel Leclerc – Wikipédia
– Donatien de Rochambeau – Wikipédia